Le bord du précipice

Être en dépression, chronique, depuis l’enfance, c’est comme se tenir en permanence au bord du précipice. Y’a des matins où tu te lèves, t’es en forme, t’as envie de changer le monde. Et tu sais pas pourquoi, ton pied glisse sur un emmerdeur de caillou, et te voilà en train de basculer dans le néant abyssal. C’est con, hein ?…

Et ça, c’est quand tu vas bien. C’est quand tu marches tranquillement sur le bord du chemin. Parce que la plupart du temps, en fait, t’es déjà en équilibre au-dessus du vide à te rattraper à des racines fragiles, en te demandant quand est-ce que ça va lâcher.

Bon. Il paraît que ça irait mieux si je prenais des médicaments. Il paraît. Sauf que j’ai déjà essayé, et ça me donne l’impression d’être dans une boîte en plexi remplie de coton, d’entendre les gens à travers ces épaisseurs diffuses, d’avoir le cerveau endormi. Alors, oui, certes, ça éloigne les idées noires. Ça éloigne l’angoisse permanente de tomber. Mais j’suis pas convaincue que ça me sorte du trou. C’est juste pour éviter d’en toucher le fond.

Un jour, j’ai confiance ! un jour, j’arriverai à remonter, à m’éloigner de ce foutu précipice, à rejoindre un chemin tranquille et à suivre ma route, celle que j’aurai choisi. Mais en attendant, la vie s’écoule inéluctablement.


Demain. Demain, ça fera deux ans pile qu’il s’est mis à neiger sur la gare de l’Est alors qu’il faisait grand soleil depuis une semaine. Deux ans que le médecin des urgences neuro m’a appelée pour me dire que tu étais morte. Deux ans que je me demande ce que j’aurais pu faire pour empêcher ça (spoiler : RIEN). Ce que j’aurais pu faire ou te dire pour me sentir moins coupable de t’avoir fait autant de mal toutes ces années. Ce que j’aurais pu être pour nous simplifier la vie à toutes les deux. Deux ans que je regrette tellement de choses.

Tu restes dans mon cœur, gravée à l’eau forte pour toujours, jusqu’à ce que nos âmes se rejoignent et s’étreignent. J’y crois, parce que je n’ai que ça pour garder foi en moi, en la vie : je te retrouverai. Je pourrai te dire combien je t’aime, Maman, combien tu as fait de moi une personne fonctionnelle alors que c’était pas gagné, combien tu as été une mère géniale malgré tout ce que j’ai pu te reprocher, combien tu me manques.

 

Je t’aime, Maman.

~ par Gulby sur 1 mars 2018.

3 Réponses to “Le bord du précipice”

  1. Coucou ma puce ! Je t’embrasse très très très très foooort. Et même si je la connaissait pas, j’suis sûre que ta maman t’aimait plus que tout, c’est le propre des MAMANS. Et elle t’aimait toi, pas une autre que tu aurais pu être. Et quand je vois qui tu es aujourd’hui, à quel point tu es droite, gentille, rigolote, pleine d’empathie et sensible (être sensible est une qualité, oui oui oui), ben elle doit être méga fière de toi là où elle est. Bref, câlinous tout plein <3

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